samedi 22 septembre 2007

Les bons côtés d' internet


Laissons de côté les crétins qui se filment en train d'uriner sur un cadavre ou de jouer au rugby avec un bébé !Là, ça relève de la psychiatrie, et intéressons-nous aux bons côtés d' Internet !


Ils sont une dizaine, toutes générations confondues, dans un cimetière qu’ils découvrent, au fond d’une vallée vosgienne, à Saulcy-sur-Meurthe. Il y a quelques jours, l’équipe "LC-ED" s'est enfin rencontrée, presque trois ans après avoir commencé à chatter sur un forum de discussion sur le Net.
Un chat en forme d’énigme, déposée en 2004 par un généalogiste amateur: "Dans une nécropole militaire de l’Est de la France repose un mort pour la France. Pour seul signe d’identité, il a été retrouvé sur lui une alliance gravée 'LC-ED 7.2.14'. Qui est-il ?"
Quelques jours plus tard, partout dans le monde, des internautes francophones s’y intéressent, se contactent, s’organisent. Sans jamais se rencontrer. Il y a une Française du Colorado, des Belges, des Québécois...
Chacun a ses raisons, ses motivations, son rapport familial avec la guerre 14-18.


Pour chef de groupe, Franck David-Henriet, à Lausanne.:

Geek assumé, il coordonne l’équipe, se dirige vers le site "Mémoires des hommes", qui répertorie les morts pour la France. Rapidement, il définit une méthode, rigoureuse, précise, scientifique. "Je voulais faire quelque chose de costaud, mathématique, A+B." Il crée son propre logiciel pour faciliter la recherche. Parallèlement, l’équipe sonde toutes les mairies de France à la recherche d’un mariage du 7 février 1914. En vain.


Tué au front six mois après son mariage :

Entre temps, les internautes apprennent de la Direction interdépartementale des anciens combattants (Diac) de Metz que le procès-verbal d’exhumation du corps date de 1947. Il fait état "d’ossements" et mentionne l’alliance.
Les recherches se poursuivent, sur les bases de données officielles trouvées sur Internet et dans les mairies du secteur. Grâce à leurs recoupements, ils découvrent Edmond Durand, 2e classe, 73e bataillon de chasseurs à pied, matricule n°2193, né à Ban-sur-Meurthe (Vosges). Parmi les membres de l’équipe, Brigitte Chambareau, dans les Vosges, fait alors appel au cercle généalogique local, qui lui conseille de s’orienter vers le prêtre de la paroisse où est né Edmond Durand.
Avec lui, elle retrouve l’acte de mariage du soldat: l’homme est né le 11 janvier 1888, mort au front le 25 août 1914, lors de la bataille de Domptail, à une cinquantaine de kilomètres de là. Le 7 février 1914, il a épousé Lucie Cuny. Celle-ci s’est remariée quelques années plus tard, a eu cinq enfants.
L’équipe de chercheurs sur Internet recoupe alors ses conclusions, s’assure qu’aucune tombe au nom d’Edmond Durand n’existe, se plonge dans les Journaux de marche et opération de l’époque pour vérifier la crédibilité du résultat, s’interroge sur le prénom usuel d’Edmond Durand, l’ordre des initiales sur la bague. Et tout concorde.


Une première en France :

Il y a quelques jours, suite au dépôt d’un mémoire par l’équipe, le ministère de la Défense a fait apposer une nouvelle plaque sur la tombe 1405, mentionnant l’identité de l’ex-soldat inconnu. Autour des internautes sur place, la fille cadette de Lucie Cuny, 74 ans, a également fait le déplacement. Elle se rappelle que sa mère, à la fin de sa vie, portait à nouveau l’alliance de son premier mariage du 7 février 1914.
Une première union qui figure, au crayon de papier, sur le livret de famille."On peut reconnaître l’écriture de ma mère, confirme Bernadette Dietsch. elle a apposé cette mention quand elle s’est mariée avec mon père."
L’équipe LC-ED a également fait la connaissance de Paulette Hermann, la petite-nièce d'Edmond Durand. Elevée dans le souvenir de cet aïeul disparu, la vieille femme s’était interrogée, en 2004, sur une annonce parue dans un journal local. "Celle que le groupe a passé à propos de l’énigme. Je me suis demandé si ça pouvait être mon oncle, sans rien faire pour autant." Quand, deux ans plus tard, Brigitte Chambareau la rencontre, l’exemplaire du journal est toujours sur la table du salon.
Jamais en France l’identité d’un soldat n’avait été découverte de la sorte, presque un siècle après sa mort, sur la base d’une seule alliance. L'enquête bouclée, les internautes et la famille veulent se voir à nouveau. Peut-être, symboliquement, le 11 novembre prochain.

Rue89.fr

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