jeudi 28 juin 2007

Pour Palladio, qui devrait apprécier !






C’est l’histoire d’une bande de copains fascinés par la culture pop, qui ont décidé de redonner vie à un ensemble de maisons-bulles construites à la fin des années 60, au pied des Vosges. Leur projet, le Museumotel, devrait ouvrir ses portes cet été.


Il y a encore quelque temps, il fallait s’appeler Pierre Cardin pour avoir le privilège de dormir dans une bulle. Le couturier possède en effet un palais-bulle sur la Côte d’Azur, commandé en 1986 à l’architecte finlandais Antti Lovag. Mais grâce à l’audace de Laurent Méthot et de ses acolytes, se coucher dans une œuvre d’art sera bientôt à la portée de chacun. Et une œuvre de la même trempe que celle qui appartient à monsieur Cardin, puisque la bande s’attaque au Museumotel L’Utopie, construit en 1967 par Pascal Hausermann. Bien avant Antti Lovag, cet architecte suisse a mis en branle l’habitat traditionnel, bannissant toits, murs et angles droits dans les espaces à vivre. Il s’inspire à l’époque de l’œuvre d’Antoni Gaudí, en allant encore plus loin dans la liberté des formes. Pendant quelques années de gloire, ce motel-bulles accueille Dalida ou Danielle Darrieux, puis est revendu. Au fil des rénovations, il perd son caractère pop.


Si le Museumotel est déterré, c’est donc grâce au coup de poker de huit amis. L’agitateur le plus investi de cette bande de passionnés, c’est Laurent Méthot. L’architecture, ce grand gaillard de 42 ans en est fou. À Beaucourt, entre Belfort et Montbéliard, il a transformé un ancien cinéma de 1925 en magasin de design, EdenLiving, l’un des plus importants showrooms de l’Est de la France. Depuis sa jeunesse, ce fan de Star Wars vit dans un univers de fauteuils-œufs et de Panton Chairs. Quand, il y a environ un an, il entend parler de l’existence du Museumotel grâce à son ami Bruno, il ne tergiverse pas longtemps : « Nous savions qu’il existait un ensemble de maisons-bulles en Lorraine. Quand on a su que c’était un motel, on a immédiatement téléphoné pour venir y dormir. »


Et là, surprise : le motel est à vendre. Ni une ni deux, il embarque sa bande de copains, tous férus d’architecture anticonformiste, et saute dans une voiture, direction Raon-L’Étape, où se trouve le fameux motel-bulles. À dix minutes de Baccarat, le chaudron du cristal international, berceau du cristal noir, le terrain de jeux de Philippe Starck. À vingt minutes de Saint-Dié-des-Vosges, dans laquelle Le Corbusier a imprimé sa patte, faute d’avoir pu reconstruire la ville dans sa totalité après la Seconde Guerre mondiale. Comme un clin d’œil aux affinités artistiques des huit amis. Impossible de laisser filer une telle bénédiction.« Après avoir vu le motel, on ne tenait plus en place », confirme Laurent, les yeux gourmands.


Les huit copains montent donc une SCI, certains quittent même leur emploi, Bruno contacte Pascal Hausermann, et grâce à l’appui de la mairie de Raon-L’Étape, qui voit là une occasion rêvée de dynamiser sa ville déjà réveillée par l’arrivée récente du TGV, les fonds sont vite réunis pour acheter les neuf maisons-bulles du Museumotel.
Alors, depuis octobre dernier, ils détruisent, enduisent, peignent. Vite rejoints par Paul-Jean Grasser, un artiste du coin qui en 1967, sculptait déjà les portes des bulles sous les ordres de Pascal Hausermann, et qui, à 74 ans, a repris du service pour la beauté du projet.


Le Museumotel est voué à accueillir des chambres d’hôtes. Ses 27 couchages seront mis en scène dans un univers seventies. « Chaque bulle sera décorée selon l’esprit d’un designer, explique Laurent. Il y a aura, entre autres, une bulle Charles Eames, une bulle Verner Panton et même une Love Bubble. » Entendez un matelas en forme de cœur rouge groseille et un sol rouge vif. « Idéal pour les anniversaires de mariage », assurent malicieusement Isabelle et Laurence, deux des participantes les plus actives de la bande.


Évidemment, il y a ceux qui auront vite fait de cataloguer leur petite entreprise « utopie de quadragénaires autodidactes ». Un tel jugement hâtif qui ferait bien ricaner la bande, puisque avant même son ouverture, prévue en juillet, le motel compte déjà des réservations. « Il y a des nostalgiques de la grande époque d’Hausermann, mais aussi des passionnés d’architecture français, suisses, néerlandais et même américains, qui feraient des centaines de kilomètres pour voir un tel patrimoine », confie Laurence.
Non seulement, le concept plaît, mais en plus, les huit savent ce qu’ils font. Lors d’une récente rencontre au Vitra Design Museum, à Weil Am Rhein, en Allemagne, ils ont présenté leur projet à Marianne Panton, la femme de Verner Panton, et aux frères Bouroullec. « Nous voudrions qu’ils soient membres d’honneur de notre association », souhaite Laurent. Une caution artistique en passe d’être accordée, qui les aiderait à obtenir le label Patrimoine du XXe siècle.


Mais ce « palais de la popitude » ne se contentera pas d’être un musée habitable. La troupe veut aussi en faire un pôle culturel actif et pour cela, a créé Béton.Production, une association loi 1901. L’étage de la plus grande bulle, qui sert de réception, sera transformé en espace d’exposition. L’acoustique parfaite des dômes, elle, sera un terrain de jeux idéal pour des concerts intimistes. « Et pourquoi pas un tournage de film ? » rêve Laurent, qui se voit déjà prêter les lieux à Jean-Jacques Beineix ou à Guillaume Canet.


Ces neuf bulles, les habitants de Raon-L’Étape les appellent les coquilles, d’autres, les coquillages. À bien les regarder, on peut aussi les comparer à des champignons, voire à des scaphandres… Mais alors – car le cœur de la problématique est là –, est-ce que l’on dort mieux dans des maisons-objets ? Est-ce que l’on rêve mieux dans une architecture ronde ? Ceux qui ont l’habitude de regarder le plafond pour trouver le sommeil seront peut-être décontenancés par le fait que dans une bulle de Pascal Hausermann, le plafond… vient à eux. Un plafond années 60 au possible, en mousse de polyuréthane, qui donne l’impression de s’endormir dans une grotte… que l’on aurait transformée en nid douillet. Selon Pascal Hausermann, un environnement rond est plus harmonieux, plus adapté aux individus. « On dort plus en confiance dans une pièce ronde, parce que c’est plus naturel et que ça nous replace dans un état proche du fœtus, assure Isabelle. La forme ronde permet aussi aux lumières extérieures de se balader sur le dôme sans s’écraser sur les murs. En plus, on s’endort bercé par le bruit de la Plaine, la rivière qui coule aux pieds des bulles. »
Trois des neuf bulles du Museumotel seront ouvertes dans le courant du mois de juillet. L’occasion pour les insomniaques de trouver peut-être là la solution à leurs nuits sans sommeil… et aux autres d’imiter Pierre Cardin à moindres frais.


Renseignements :
De 55 à 90 € la nuit. Ouverture courant juillet.
Museumotel L’Utopie, 13, rue Jean-Baptiste-Demange, 88110 Raon-L’Étape. Informations et réservations : 03 29 50 48 81. http://www.museumotel.com/
Association Béton.Production : http://www.beton.sup.fr/


Diaporama :

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